Brazzaville galère sous le poids des pénuries
Les populations de la capitale congolaise ont démarré le 5 novembre leur troisième semaine de coupure intempestive d’électricité, alors que les pénuries d’eau et de carburant mettent la ville à sec. Souvent, les consommateurs restent sans explications.
La Société nationale d’électricité avait annoncé des délestages intempestifs du courant pendant 45 jours, notamment sur Brazzaville et Pointe-Noire, les deux principales villes du pays. Cette période de non fourniture d’électricité est occasionnée par une session de maintenance des équipements de la société. Ils sont d’une vétusté remontant parfois de l’époque coloniale.
Dans un dossier consacré à la fourniture du courant électrique, le magazine Vox Mag, édité par Vox Médias, et paraissant à Brazzaville, a expliqué que si l’Etat avait réussi à augmenter les unités de production du courant, grâce aux barrages hydroélectriques et aux centrales thermiques, la distribution du courant vers les consommateurs, demeure le goulot d’étranglement. Ce qui semble annihiler tous les investissements en termes de milliards, consentis dans ce secteur par l’Etat, un peu plus de 1.000 milliards de francs CFA, lors de la dernière décennie.
Et depuis trois semaines, les Brazzavillois et les Pontenegrins s’imaginent des subterfuges pour survivre à la noire obscurité des délestages. Les commerçants et les revendeurs des petits produits dans les coins de rue connaissent la crise. A la nuit tombée, la viande, le poisson ou le foufou sont vendus à la lumière de la bougie sur les tables sombres dans les marchés.
« Le centre de mon activité ne fonctionne plus, faute de courant. Je ne peux alimenter mon groupe électrogène en gasoil, car cela me fait un budget supplémentaire. Sur les douze cours prévus par jour, on n’en passe plus que deux », regrette Patrick, détenteur d’un centre d’encadrement en langues étrangères et en informatique. Son atelier ne fonctionne que grâce au courant.
Les élèves des collèges et des lycées sont obligés de prendre d’assaut les quelques rares grandes artères éclairées pour réviser les leçons. Dans les quartiers où les lampadaires ne servent plus à rien, les élèves étudient dans leurs chambres grâce à la lumière de bougie ou de lampes lucioles.
Mais, le courant et l’eau sont souvent liés. Faute d’électricité, le précieux liquide ne coule pas de robinets. Les suppresseurs ne font monter l’eau, les pompes dans les douches deviennent de simples monuments. Dans certains quartiers de Brazzaville, on peut compter des jours sans obtenir un filet d’eau. « Quand l’eau coule, il faut patienter deux heures pour espérer remplir un sceau de dix litres », déplore une mère de famille habitant Moungali.
Le cirque des bidons jaunes dans les rues de Brazzaville montre combien la pénurie est frappante. Les familles restent tard dans la nuit pour recueillir de l’eau, le jour où elle coule du robinet. Et pourtant, la société de distribution d’eau n’a jamais annoncé une pénurie, elle subirait les effets de délestages du courant. « En plus, comme il n’y a jamais eu de l’eau en permanence dans les quartiers de Brazzaville, souvent on s’en accommode », indique un habitant de Bacongo, près du marché Total.
La pénurie du supercaburant est en passe de paralyser le transport en commun dans la capitale. La plupart des véhicules des particuliers sont en panne sèche. Seuls les bus, fonctionnant au gasoil, assure encore régulièrement le transport en commun. Les taximen sont obligés de doubler le prix de la course ou refuser carrément les longues distances. La Société nationales des pétroles du Congo (SNPC) et la congolaise de raffinage (CORAF) n’apportent jusque-là aucune explication.
Devant les stations-services, ont repris de longues files d’attentes de voitures. Les caprices des pompistes favorisent un trafic de bidons jaunes, malgré la vigilance des policiers. « Aujourd’hui, ils sont arrivés à 5.000 francs CFA le bidon. Ils ne veulent même plus servir les voitures, ils sont plus intéressés par ceux qui apportent les bidons. C’est vraiment triste », dénonce un chauffeur de taxi, en attente du carburant au centre-ville.
Ces trois pénuries plombent la vie à Brazzaville où les canicules atteignent parfois des degrés impressionnants. Les chaleurs sont époustouflantes, alors que les provisions pourrissent dans les frigos, faute de courant. « Et l’autre pénurie, ce sont les salaires qui n’arrivent pas », ironise un agent de la force publique.