Le conseil municipal de Brazzaville élira le 22 mai son nouveau président, donc le maire de Brazzaville qui mettra fin à l’intérimaire qui y règne depuis des mois. Capitale à mille et un défis, Brazzaville, avec plus de deux millions d’âmes, mérite une gouvernance rigoureuse et pragmatique, portée par les citoyens dont plus de la moitié vit dans une extrême précarité.
Les états-majors politiques sont depuis quelques jours en ébullition pour prendre la tête de la mairie centrale. Le Parti congolais du travail (PCT, au pouvoir) contrôle plus de la moitié des conseillers municipaux. Ces derniers constituent le corps électoral, car c’est une élection à suffrages indirects. Le PCT peut donc se taper le luxe de se redonner un nouveau maire, après la chute de Roger Christian Okemba, mis en minorité par ses collègues puis démis de ses fonctions pour des faits de détournements de fonds publics.
Il est presque impossible de ravir la mairie de Brazzaville au principal parti de la majorité présidentielle. A moins d’une alliance politique fortuite et in extremis, le PCT qui cherche toujours à caser la majorité de ses cadres ne se donnera pas de la peine pour ce retour.
Mais pendant que ce show politique commence à envahir les réseaux sociaux, sur le plan social, Brazzaville regorge d’énormes défis. Les citoyens font face ces dernières années à de graves problèmes d’assainissement et de canalisation de la ville, ayant provoqué des inondations, des glissements de terrains et des érosions. Brazza-la-Verte n’est plus qu’un nom historique.
La présence de la société de nettoyage Averda est un grand soulagement pour de nombreux citoyens, notamment ceux qui habitent le centre-ville et les quartiers à voie bitumée. Mais les autres parties de la ville sont dans la saleté, les tas d’immondices poussent dans chaque carrefour, ou des espaces publics non encore mis en valeur. Les caniveaux, les rivières Mfoa et Madoukou Tsiekele ne sont pas régulièrement curés, laissant le centre-ville dans un état piteux d’une ville sans maire.
Et pourtant, ce ne sont pas des moyens qui manquent. Chaque année, le conseil municipal adopte un budget au-delà de 20 milliards de francs CFA, sans compter des appuis du gouvernement pour réaliser des travaux lourds comme la réhabilitation des routes. Chaque jour, les recettes municipales se font des sous à travers la levée de diverses taxes dans les marchés domaniaux et les boutiques voisines. Quand aux transporteurs en commun et autres usagers de véhicules, soumis aux multiples taxes de roulage et de stationnement, ils restent de véritables vaches à lait.
Les morgues de Talangaï, de Makélékélé et celle du CHU sont même qualifiées de « poumon économique » de Brazzaville par certaines autorités municipales. Nuit et jour, et ces établissements réalisent des recettes faramineuses qui malheureusement ne permettent pas de payer les agents de la mairie et de faire de la petite toilette au niveau des artères principales de la capitale. Brazzaville est une ville sale et sombre.
Des quartiers à l’abandon
Si le centre-ville manque de l’éclairage et des voies bitumées sans nids de poule, les habitants des quartiers populaires comme Moungali, Ouenzé, Talangaï ou Makelekele vivent un vrai calvaire dans le transport, la distribution en eau potable et en électricité. Pour aller d’une zone à une autre, il faut compter des dizaines de nids de poules et de crevasses. La maison commune du septième arrondissement Mfilou, le siège de l’administration, est complètement coupée du centre-ville, faute de route. A chaque pluie, l’ensablement venant du haut des collines Itsali n’hésite pas d’enterrer de dizaines de maisons, principalement au quartier L’Ombre, fruit des efforts de toute une vie de travail et de salaire de misère. Les habitants se disent abandonnés par l’autorité municipale.
La présence des administrateurs-maires ne sert dans la plupart de cas de faire-valoir. Les chefs de quartiers et de bloc ont du pain sur la planche pour accéder à certains habitants, surtout en cette période de Covid-19 dans le but de sensibiliser sur les mesures barrière. Il n’est pas rare de voir des sentiers et de pistes conduire d’une habitation à une autre.
Dans les quartiers périphériques comme Domaine, Makabandilou, Kombe, Sadelmi, ou Kibina, les populations vivent par elles-mêmes. L’absence de l’autorité de la ville est tel qu’il n’existe pas de centres de santé, d’ouvrages d’adduction d’eau ou des voies d’accès. Leur quotidien est très différent des autres Brazzavillois, car par exemple, le coût du transport n’est pas seulement appliqué en double, mais quelques rares taxis et bus qui se hasardent par là restent capricieux.
Les habitants de Ngamakosso ou de Manianga, moralement torturés par les ensablements et les érosions vivent depuis des mois un sérieux problème de transport. Les motos servent alors de taxis dans ces endroits difficiles d’accès. Mais pourtant, tous ces gens vivent dans la capitale congolaise.