Des logements sociaux pour qui ?
Offrir des logements sociaux au plus grand nombre de Congolais, c’est l’objectif que poursuit le gouvernement depuis dix ans. Aujourd’hui « çà y est ! », est-on tenté de clamer. Pourtant, à Brazzaville comme ailleurs, la demande reste forte à cause de l’insuffisance de l’offre sans compter les coûts des loyers qui n’épousent pas la bourse du citoyen moyen.
« 200 appartements de types F3 et F4 au Camp 15-Août et 964 logements au Camp Mpila de types F3 et F4 dont 200 sont actuellement disponibles », confie Philippe Mouanda, Directeur des études et de la Planification au ministère de la Construction, de l’Urbanisme et de l’Habitat. « Ces constructions sont l’œuvre de l’État dans un Partenariat public – privé, ainsi que l’initiative des privées uniquement », ajoute-t-il. Si cela est réalisé, la demande en logement serait réduite. Tout Congolais qui débarque au Camp clairon ou au jardin de Bacongo peut admirer l’architecture et la commodité. Mais le prix le laissera songeur. « Çà c’est très beau pour y habiter mais il faut travailler à la SNPC ! », lâche un gérant d’un cyber café en face du stade d’Ornano.
Créée sous les cendres de la SOPROGI, la SOPRIM assure actuellement la gestion des immeubles construits par l’État dans le cadre de ce partenariat. C’est au travers du GIE (Groupement d’intérêt économique) en synergie avec la Société générale WEITC que sont nés les logements sociaux et économiques de la Cité du Camp clairon dans le 3ème arrondissement Poto-Poto. Ces logements R+4, répondent aux exigences de la vie moderne : sous sol, ascenseur, climatisation centrale et bien d’autres commodités. « C’est une bonne politique d’aménagement », confirme Xavier Moutedika, Directeur de la planification au ministère des Travaux Publics et de l’équipement qui reconnaît qu’« il faut expurger le vocable ‘’sociaux’’, qui ne cadre pas avec la réalité du fonctionnaire moyen. »
À qui sont destinés ces logements ?
Posée en ces termes, cette question appelle une réponse simple : « Ces logements sont destinés aux Congolais ». Pourtant il y a un hic comme l’explique plusieurs observateurs impatients. En effet, la SOPRIM reçoit, traite et valide les dossiers mais ce processus prend du temps.
Antoine Malonga, cadre de catégorie A1 au ministère des Affaires sociales avoue que ces logements ne sont pas construits pour le Congolais moyen mais pour des personnes nanties. Il n’est que de considérer les prix exacerbés qui frustrent les citoyens et les dissuadent même de fournir le dossier d’acquisition. D’où, les critiques et commentaires entendus ici et là. Dans une posture de défenseur de cette politique, le directeur général de la SOPRIM explique que c’est la Société nationale des habitations à loyers modérés (SN-HLM) qui dispose les loyers aux acquéreurs.
À propos des logements…
Il y a des logements de type F2, séjour+chambre ; F3 séjour+2 chambre… Ainsi, dans les jardins de Bacongo, se réalisent 280 logements en 5 modèles. Le modèle communément appelé « saka saka » désigne un logement dans un bâtiment R+1, c’est à dire 1 séjour+3 chambres d’une superficie de 111,70 m2 avec jardin. Le prix moyen de vente est de 35 075 500 F CFA hors frais de notaire et d’établissement du titre foncier. Ce prix serait revu à la baisse si les revenus de la famille sont faibles, d’après les dispositions de la SN-HLM. Le plus coûteux est le modèle Papaye situé dans le même jardin de Bacongo. Il offre un logement de R+1 comportant 2 séjours + 5 chambres d’une superficie de 278,20m2, sur un grand terrain avec jardin. Il revient à 91 553 000 F CFA hors frais de notaire et d’établissement du titre foncier. Ces données sont fournies par la direction des études et de la planification au ministère de la Construction de l’Urbanisme et de l’Habitat.
Parallèlement, dans le Clos de l’Alima à Oyo, où se construisent 203 logements, le modèle tel « Ilanga», dans un bâtiment R+1 comprenant 2 séjours+ 4 d’une superficie de 288,08m2 sur un grand terrain avec jardin est à 105 821 000 F CFA. Situation quasi similaire à Owando (département de la Cuvette), à Linengué 1 et 2 où 252 logements sont en cours de construction. Les gestionnaires de ces logements pensent que pour faire face aux coûts exigés, les Congolais peuvent recourir à la Banque. Une option qui ne convainc toujours pas.
La Banque congolaise de l’habitat entend jouer son rôle
De source fiable, la Banque congolaise de l’habitat (BCH) serait engagée dans un partenariat pour le compte des Camp 15-Août et Camp Mpila. Les mécanismes d’acquisition sont définis par la COGEPI (la Congolaise de gestion de programme immobilier). Pour octroyer les crédits logements, la BCH a mis en place un plan de crédit épargne-logement sur trois régimes : 4 ans, 5 ans et 6 ans. Il en existe plusieurs catégories d’épargne logement allant de A à H. À chaque catégorie correspond une épargne mutuelle et une quote-part de crédit épargne. Celle ci est fonction du revenu du ménage et de sa capacité de remboursement à long terme, selon les explications du responsable de crédit sur logement à la BCH. Ainsi, pour un logement de type F4, séjour+3 chambres, les superficies varient suivant les appartements. Au Camp Clairon, et pour le logement de 60 à 300m2, le coût surfacique est de 400 000 F CFA le m2. Combien d’années faut-il à un fonctionnaire de catégorie A1 (180.000 FCFA de salaire de base) pour rembourser le prêt ?
Qu’en est-il de l’arbitrage de l’État ?
Le vendredi 20 août, les députés réunis en plénière ont adopté la loi de copropriété. Elle permettra de mettre en place le syndicat des copropriétaires et de désigner le syndic de copropriété. « Cette disposition fera à ce que les différents camps ne tombent pas dans l’état de délabrement », assure Eugene Kimbembe, directeur de cabinet au ministère de la Construction, de l’urbanisme et de l’habitat.
En 1964, c’est le Fonds national de la construction qui exécutait la politique gouvernementale en matière de construction, avec comme constructeur l’Office congolais de l’Habitat (OCH) qu’appuyait la Banque nationale de développement du Congo (BNDC).
Aujourd’hui, la production du logement est majoritairement l’œuvre des particuliers.
C’est ainsi que l’auto-construction est devenue au fil des années le mode d’accès au logement le plus répandu avec, aujourd’hui, près de deux cent quarante huit mille (248 000) logements soit 90% du parc national. L’État ne présente qu’un parc de logements estimé à moins de 10% selon la direction des études et de la planification du ministère de la Construction, de l’urbanisme et de l’habitat.
Devant ces données, le Congo est loin d’apporter la réponse attendue par ses citoyens qui peinent à se loger. Encore un défi !
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