Un nouveau président, mais de vieux défis pour la RDC

La Commission électorale nationale indépendante (CENI) a déclaré au petit matin du 10 janvier à Kinshasa que le président de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, 55 ans, avait été élu président de la République démocratique du Congo. En attendant la confirmation de ces résultats provisoires par la cour suprême, le nouveau président devrait se préparer à affronter une montagne de défis, héritage de plusieurs années de stagnation économique.

Selon les résultats provisoires publiés par le président Corneille Nangaa de la CENI, Félix Tshisekedi est arrivé en tête avec 38,57% des voix, devant un autre opposant, Martin Fayulu qui a totalisé 34% des suffrages, alors que le candidat du pouvoir, Emmanuel Ramazany Shadary a réuni environ 24%. Avec plus de 7,5 millions de voix, dans une élection présidentielle où le taux global de participation n’a pas atteint la moitié des électeurs (plus de 46% seulement), Félix Tshisekedi a su tirer son épingle du jeu.

 

Donné favori pendant la campagne électorale, l’autre candidat de l’opposition, Martin Fayulu, soutenu par la plate-forme LAMUKA, a aussitôt contesté ces résultats. Depuis la fin des votes le 30 décembre dernier, il s’est toujours vu président de la République. Sa candidature a été portée par deux grands leaders de la politique congolaise, Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi, empêchés par la loi électorale de participer à cette élection.

Le président sortant, Joseph Kabila qui ne s’était pas représenté pour une troisième fois consécutive, car la constitution le lui interdisait, s’était par ailleurs choisi un dauphin, Emmanuel Shadary, ancien ministre de l’Intérieur, aujourd’hui sous sanction de l’Union européenne pour avoir autorisé la répression contre des manifestants dans les rues de Kinshasa. Il a terminé troisième dans cette lutte serrée, mais surtout faite de beaucoup de spéculations.

 

Face aux multiples défis

En attendant la contestation des résultats qui s’organise déjà dans le camp de Fayulu, le nouveau président Tshisekedi peut déjà commencer à faire face aux grands défis qui enveloppent la RDC.

La consolidation de l’alternance politique et démocratique reste un défi dans ce pays indépendant depuis juin 1960, mais qui n’a jamais connu de passation de pouvoirs au sommet de l’Etat sans effusion de sang. De Joseph Kasavubu à Joseph Kabila, en passant par Joseph Désiré Mobutu et Laurent-Désiré Kabila, la prise du pouvoir a toujours été très violente et sanglante.

C’est pourquoi, l’alternance obtenue aujourd’hui devrait relancer la démocratie en RDC, permettre aux citoyens libres et engagés ainsi qu’aux partis politiques de l’opposition de s’exprimer librement. L’unité nationale est à gagner à ce prix, tout comme le contrôle effectif du pays. Le président Joseph Kabila en avait fait un de ses objectifs majeurs, mais la tâche s’est par la suite révélée immense, si bien qu’on a du mal a en juger les résultats. Le nouveau président devrait donc garantir à son prédécesseur une vie politique active et paisible, créant ainsi une jurisprudence pour lui-même dans cinq ans. A 48 ans seulement, Joseph Kabila continue de nourrir des ambitions politiques.

Félix Tshisekedi, comme ses prédécesseurs, sera lui aussi confronté à la nébuleuse de l’Est, une partie du pays où ne cessent jamais l’insécurité et les violences tous azimuts. Territoire favorable aux rébellions diverses et aux attaques extérieures par des milices étrangères, l’Est de la RDC est aussi le berceau des richesses du pays. Il s’agit pour le nouveau président de mettre fin à des massacres qui ont déjà coûté la vie à des millions de personnes.

La relance économique constitue la principale attente du peuple congolais qui croupit dans la misère depuis de longues années. Huit personnes sur 10 vivent avec moins d’un dollar en RDC. Avec des salaires inadmissibles, à comparer avec les pays voisins comme le Congo ou l’Angola, les fonctionnaires de la RDC devraient très rapidement avoir droit à une rémunération de qualité, soit un SMIG revalorisé. Le chômage a gagné de longues lignées de générations, si bien que la politique de l’emploi a totalement disparu. Le taux de chômage avoisine les 70% de la population active.

Les ex-Zaïrois se prennent régulièrement en charge pour survivre. Et pourtant, le pays peut se relever, car plusieurs indicateurs macroéconomiques de la RDC ne sont pas décevants. Ici, la dette publique est estimée à moins de 25% du PIB qui lui est à 37,24 milliards de dollars, contre 9 milliards au Rwanda ou 8 milliards au Congo-Brazzaville. La RDC jouit d’une croissance économique intéressante de 3,4%, alors que dans plusieurs pays de la sous-région, elle est quasi-nulle. Avec un budget 2019 adopté dans l’ordre de 5,9 milliards de dollars, le nouveau gouvernement peut se donner les moyens de sa politique face à un peuple travailleur que sont les Congolais de la RDC.

L’accès aux services sociaux de base reste très illusoire, car l’Etat n’en fournit quasiment pas. Le président Tshisekedi devra savoir que dans plusieurs coins et recoins des 26 provinces de la RDC, il n’existe plus de structures sanitaires et les enfants étudient dans les écoles de fortune, sous les arbres ou dans les bâtiments infectés, comme à l’Equateur.

Pour relever ces défis, le nouveau président de la RDC devrait faire preuve d’une grande finesse, en sortant des mesquineries de Limété, son bouillon fief, et travailler avec d’autres Congolais qui ne sont pas forcément de son bord politique. Le développement du pays passe par là.

Et pour bien entamer son mandat le 15 janvier prochain, Félix Tshisekedi devrait cocher dans son agenda la date exacte de l’enterrement de son père, le vieil opposant du pays, Etienne Tshisekedi Wa Mulumba, décédé depuis février 2017, mais qui n’a jamais été inhumé.

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