Près de quatre ans après la mise sur pied de la Haute autorité de lutte contre la corruption (HALC), cette institution peine encore à répondre à faire face à ses obligations prescrites dans les textes régissant cet organe.
Depuis sa prestation de serment devant les instances judiciaires, la HALC s’est employée dans une campagne de sensibilisation qui s’est étalée sur trois années avec pour slogan « La fin de la récréation ». Une démarche qui a permis à ses animateurs de se déployer dans la quasi-totalité des localités du pays, pour édifier les responsables politico administratives, de ses missions, ses objectifs ainsi que de sa collaboration avec ses entités, dans la lutte contre les gabegies financières des fonds alloués au fonctionnement des départements, des collectivités décentralisées.
Il en est de même des ministères ou les institutions de la République.
Force est de constater que la HALC a brillé par une innommable léthargie; les effets attendus de son action se font toujours attendre. Lors de sa déclaration du 9 décembre 2023, faite dans le cadre de la célébration de la journée internationale de lutte contre la corruption, le Président de la HALC, Emmanuel Ollita Ondongo avait relevé que « La HALC réunie actuellement les conditions idoines, aux fins de procéder aux délibérations et publications des résultats obtenus en cette fin d’année 2023. Ces dossiers seront transmis aux autorités judiciaires compétentes, notamment, pour les faits susceptibles de constituer des infractions de corruption, de concussion, de fraude et d’autres infractions assimilées ».
Plus de trois mois après cette annonce, force est de constater qu’aucune démarche allant dans le sens du discours n’a été menée. Aussi depuis l’entrée en fonction de son directoire, l’institution qui cumule aujourd’hui près de quatre ans d’exercice n’a jamais produit un seul rapport.
En vue d’obtenir un meilleur éclairage sur la situation, les dirigeants de la HALC n’ont pas souhaité s’exprimer sur le sujet en l’absence du président de l’institution, en mission à l’étranger. Toutefois, à travers leurs différentes communications, les animateurs de l’institution en charge de la lutte contre la corruption ne manquent pas l’occasion de se ragaillardir d’avancées telles que l’indice de perception de la corruption, tandis que le Congo traîne toujours dans le bas du tableau de ce classement. L’évolution positive constatée à ce niveau ne résulte d’ailleurs pas de la seule action de la HALC.
A l’heure où les scandales en rapport avec la corruption battent leur plein au Congo, la HALC qui dispose pourtant d’un pouvoir d’auto saisine n’a pu se saisir d’aucune affaire. Qui empêche donc la Haute autorité de lutte contre la corruption de mener à bien ses missions ?
A l’inverse de l’ancienne Commission nationale de lutte contre la corruption, la HALC n’a jamais transféré un seul dossier au parquet de la République, depuis sa création jusqu’à ce jour.
En rappelle le rapport de la Commission nationale de lutte contre la corruption, la concussion et la fraude le 31 juillet 2018 qui visait l’ancien ministre des Hydrocarbures, Jean-Marc Thystère-Tchicaya, inculpé dans deux affaires remontant de 2015 à 2017.
La première affaire concerne un fonds sorti du Trésor public destiné à la construction du siège de l’Organisation des pays africains producteurs du pétrole (APPO). Entre mars 2015 et juin 2017, le Trésor a pu décaisser environ 1,032 milliard F CFA au titre de la contribution de la République du Congo au chantier du siège d’APPO prévu sur le site de l’actuel commissariat de police de la Coupole. Moins de trois cents millions F CFA seulement ont été utilisés.
La seconde affaire est liée au fonds alloué à la formation du personnel en 2017. Durant cette période, plus de 1,7 milliard FCFA a été versé par les sociétés pétrolières, conformément à la loi en vigueur. D’après le président de la Commission nationale de lutte contre la corruption, la concussion et la fraude, Lamyr Nguelé, l’enveloppe destinée au renforcement des capacités des cadres a été utilisée pour d’autres fins.
Les pesanteurs politiques seraient-elles derrière ce laxisme ?
Pourtant, quelques semaines avant la création de la HALC, le Président de la République annonçait les couleurs dans son message sur l’état de la nation en décembre 2018. « Je comprends l’inquiétude du peuple devant l’exigence de transparence et d’objectivité. Je rassure qu’il n’y aura ni bouclier de protection pour les uns, ni rampe de sanctions pour les autres. Face aux délits économiques quels qu’ils soient, il n’aura ni menu fretins, ni gros poissons. Tout passera dans la nasse du droit et de la justice. Seule prévaudra la loi ».
Lorsque l’on bénéficie d’un tel soutien de l’autorité politique, plus rien ne peut expliquer l’état stationnaire ou l’inaction dont fait preuve la HALC. Dans l’opinion, il se pose des interrogations quant à l’utilité même de cette institution, voire de la compétence ou non de son personnel. Qu’importe ce qu’il en est, il faut croire qu’au rythme où se font les choses, la corruption a encore de beaux jours au Congo; la récréation n’est pas tout à fait terminée.
Créée par loi n°3-2019 du 7 février 2019, la Haute autorité de lutte contre la corruption, institution dont l’installation a été effective à partir de juillet 2020 à la suite de la prestation de serment de ses membres, affiche de sérieux tâtonnements dans son action.