Les communautés forestières broient du noir dans le bassin du Congo

Au moment où le monde entier célèbre la journée mondiale de l’environnement, des communautés villageoises n’ont pas accès aux ressources naturelles nichées dans les forêts du Bassin du Congo, notamment dans les départements de la Cuvette Ouest, de la Sangha et de la Likouala, au nord du pays. Ces communautés font plutôt face à de nombreuses difficultés imposées et générées par les conservateurs de tout acabit ou les exploitants forestiers peu solidaires qui écument ces régions.

Au Congo, 65% du territoire sont constitués de forêts, et les plus importantes et riches réserves se trouvent dans le nord. Elles font partie, environ au moins un cinquième, des forêts du bassin du Congo. Les autorités ont pris plusieurs mesures pour garantir la protection de ces forêts, souvent au détriment des communautés riveraines.

L’Etat est parti à plusieurs initiatives comme le Fonds bleu, l’Initiative mondiale sur les tourbière, la REDD+, les APV FLGT et bien d’autres. Cela implique des restrictions dans l’exploitation des ressources naturelles. Si ces engagements sont faciles d’application pour l’élite qui habite les centres urbains, ils restent une vraie galère pour les communautés riveraines qui doivent tout à la forêt.

Dans le district de Mbomo, dans la Cuvette ouest, plusieurs villages de l’axe Etoumbi-Mbomo ont disparu, la famine ayant eu raison des populations. A Ebana, l’un des plus importants villages de l’axe, les populations ont migré vers Mbomo et Etoumbi. Elles ont été privées de chasse et de pêche, voire de cueillette, alors que les éléphants ravageaient leurs plantations de bananes et de manioc. Pour vivre dans ce village, il faut « importer » le manioc d’Etoumbi. Ici, des écoles prescolaire et primaire, il ne reste plus que de ruines.

Les enjeux ont été orientés vers les activités de conservation du parc national d’Odzala Kockoua, notamment avec la saline de Djebe où se développe un programme d’habituation des gorilles. Malgré les plaintes et les manifestations des communautés, rien ne leur a été accordé. Même la zone dite banale, souvent large de 10 Km, a été concédée aux éléphants et autres mammifères qui prospèrent dans le coin. « Ils nous prennent pour des animaux. D’ailleurs, les animaux sont mieux traités que nous, puisqu’on fait plus attention à eux. Nous n’avons aucun droit sur le territoire de nos ancêtres, tout appartient aux conservateurs », se plaint Mohamed Ake, leader communautaire au village Ebana.

« Nous n’avons plus le droit de cultiver. Même les terres qu’ils nous ont concédés sont écumées par les éléphants et les éco-gardes », dénonce Thérère Onengo, habitante de Ebana, relogée à Etoumbi.

Plusieurs autres villages de l’axe ont subi le même sort. A Diba, le chef du village s’étonne du silence des autorités face aux violations flagrantes et permanentes des opérateurs du parc. « Jamais nous n’avons connu une espèce d’hommes aussi violents veillant sur le parc. Ils sont insensés et n’ont pas de cœur ni pour nous ni pour nos enfants qu’ils n’embauchent pas. Mais, ils leur empêchent de chasser, comment vivre dans cette forêt », s’interroge le dignitaire.

La redéfinition en 2003 du parc national d’Odzala créé en 1934 aurait plutôt desservi les populations qui n’accèdent plus aux ressources de la forêt dans lesquelles elles ont baigné pendant des générations. Dans le district de Sembe, dans la Sangha, une communauté des peuples autochtone, empêchée de chasser et de cueillir les produits de la forêt vit difficilement. « On nous oblige de faire l’élevage. Mais depuis nos ancêtres, nous ne mangeons pas le poulet et d’autres produits de l’élevage. Le pygmée aime le sang de la bête, cela nous soigne et nous rend actif », souligne Rufin Mekozi, chef de la communauté autochtone de Sembé.

A Mokeko, le calvaire des populations riveraines des sites d’exploitation minière est insupportable. Les entreprises chinoises, ne disposant parfois que permis d’exploration creusent de l’or dans des conditions environnementales les plus inimaginables. Plusieurs petits lacs sont créés à la suite de cette entreprise, exposant les villages environnants à des inondations. Ici, l’exploitation de l’or est semi-industrielle, ce que ne prévoit pas la loi congolaise.

Au village Attention, à quelques encablures de Ouesso, 60% de la population sont des peuples autochtones. Ils devraient vivre des recettes de la forêt, mais les conservateurs et la mauvaise interprétation de la loi leur en empêchent. Ceux qui résistent à accéder aux sites sacrés pour faire des initiations ou pour poser des pièges sont interpellés et bastonnés par les éco-garde.

Ces militants de la forêt n’ont de respect pour personne, rapportent les communautés forestières, plusieurs fois victimes des éco-garde. Leurs abus se racontent dans tous les villages, autochtones ou bantous. A Kabo, de nombreuses communautés ont perdu leur droit de terre. « Tous les villages qui se sont retrouvés dans le parc au moment de la délimitation ont été détruit. Ceux qui restent, sont responsables de ce qui peut leur arriver », affirme Jacob Zalague, de la communauté autochtone.

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