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Les populations de Mbomo dans l’étau du parc national d’Odzala

Les populations de la Cuvette Ouest, riveraines du parc national d’Odzala Kokoua à Mbomo, disent vivre un vrai calvaire, car prises dans l’étau du programme de développement de ce parc. Dans les villages voisins du parc, les habitants ne peuvent chasser, cultiver ou exercer la cueillette. Les autorités locales restent impuissantes face à cette situation.

D’abord, leur territoire de chasse se réduit chaque année, au point où ils n’ont presque plus le droit de chasser dans les zones dites « banales ou d’écodéveloppement ». Cette zone d’environ 5 Km demeure certes le parc, mais est définie comme territoire d’activités paysannes afin de permettre à ces derniers de vivre normalement.

Selon Paul Aboulo, un chasseur au village Lissanga, les écogardes, travaillant pour le parc, organisent des traques, même au milieu de la nuit, contre les chasseurs. Il leur est interdit de chasser, même du gibier destiné à l’autoconsommation en période de fermeture de chasse. Pour Paul Aboulo, « il s’agit du terrorisme et de l’apartheid, et non de la conservation ».

Ensuite, il y a l’épineuse question de dévastation des champs par les éléphants. Espèce intégralement protégée au Congo, l’éléphant consomme et détruit allégrement les champs de manioc, de maïs ou des bananiers et des ananeraies. Les agriculteurs ne sont malheureusement pas dédommagés par le gouvernement. « L’Etat ne fait rien. Depuis cinq ans nous avons écrit, ils viennent faire des constations, mais à la fin aucune indemnisation. Nous sommes abandonnés à nous-mêmes, à la merci du parc et des éléments », dénonce Mohamed Guy Alain Ake, responsable d’une association, VAPE Conservation, basée au village Ebana, dans le district de Mbombo.

Le chef de secteur agricole à Mbomo, Eric Gawourou dit avoir plusieurs fois adressé les procès verbaux ou les constats des champs dévastés à l’autorité compétente, mais sans que celle n’ait donné une suite. Aujourd’hui, le coût global de ces indemnisations avoisine les 50 millions de francs CFA. Le dossier se trouve au cabinet de la ministre en charge de l’Economie forestière qui n’agit toujours pas. Faute de crédits, certainement.

Ces deux phénomènes créent la famine dans les villages. Les populations ne peuvent plus chasser, et hésitent de cultiver les champs agricoles. On assiste alors à un exode effréné des paysans vers les districts de Mbomo et surtout d’Itoumbi où on trouve encore du manioc. Un jeune du village Ebana, Yvon Bambo a dû abandonner son village pour se réfugier à Mbombo. « Ici au moins, il y a du manioc. On se débrouille à faire de petits bricoles pour survivre avec la famille », dit-il, espérant avoir du travail à African Park où il a déposé son dossier en tant que pisteur.

Certains villages comme Ebana et Lissanga sont en passe de disparition. Ebana a perdu son école primaire. Tous les enfants sont obligés d’aller s’installer à Itoumbi, à 15 Km de là, en traversant la Likouala Mossaka par pirogue. Pour les plus jeunes, la direction du parc a construit une paillotte de fortune, tenant lieu de l’école maternelle. Aujourd’hui, elle est presque à l’abadon.

L’Etat est manifestement très impuissant dans ces localités. La sous-préfecture, débordée par les plaintes des paysans, se bouchent les oreilles. La direction du parc quant à elle se pavane comme en territoire conquis sur l’ensemble des 71 villages qui bordent le parc. D’ailleurs, 39 villages se sont déjà retrouvés dans le parc, à l’instar de Oleme, à la suite de plusieurs extensions de cette réserve. Les habitants du village Mbandza ont même écrit au sous-préfet, lui demandant de venir les délocaliser. La société civile se dit vivement inquiète. Pour Alban Tsietse de l’Observatoire des droits de l’homme (OCDH), les autorités doivent trouver une solution entre le parc et les communautés.

Créé en 1935, aménagé en 1992 puis en 2001, le parc national d’Odzala brandit à chaque occasion la rigueur de la loi, notamment le Code forestier et la réglementation de la chasse au Congo. Face aux populations analphabètes, la direction du parc a toujours pris le dessus. Le parc est le fruit d’un partenariat entre le gouvernement et Africain Park, une société sud-africaine. Les deux entités ont aujourd’hui créé une fondation pour gérer ce parc.

Plusieurs projets comme l’habituation des gorilles à la saline de Dzebe à Ebana, pourront bientôt donner lieu au tourisme de luxe. Ces activités ne sont pas de nature à garantir l’existence de ces villages.