Le président de la République démocratique du Congo (RDC), Antoine Félix Tshisekedi Tshilombo arrive ce 15 juillet à Brazzaville pour une visite auprès de son homologue Denis Sassou N’Guesso. Si les deux hommes d’Etat ont l’habitude de se consulter pour des raisons politiques et de bon voisinage, cette nouvelle visite du président Tshisekedi, en pleine crise de covid-19, soulève pas mal d’interrogations.
Le président de la RDC arrive cet après-midi par le beach fluvial de Brazzaville. Pour la circonstance, Brazzaville va être obligée de lever ses barrières frontalières baissées depuis début avril suite à la crise sanitaire due à la pandémie de coronavirus. Vu l’heure de son arrivée dans la capitale congolaise, Félix Tshisekedi passera forcément au moins une nuit à Brazzaville.
Les questions à discuter ne manquent pas entre les deux hommes qui se connaissent depuis des années, mais dont les rapports ont véritablement changé, devenant d’égal à égal, depuis janvier 2019, à l’accession au pouvoir du président Tshisekedi dont le père, feu l’opposant Etienne Tshisekedi Wa Mulumba n’a eu de cesse de traverser le Pool Malebo pour échanger avec l’homme de Brazzaville.
Toutes les questions sont possibles dans la discussion que le président de la RDC va avoir avec Sassou N’Guesso. Depuis quelques semaines, en effet, la RDC est en plein bouillonnement suite aux multiples réformes judiciaires engagées par les pouvoirs publics, mais contestées par la population.
La dernière en date, c’est l’élection de Ronsard Malonda Ngimbi comme nouveau président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), rejetée par la population et une bonne partie de la classe politique qui accuse le nouvel élu à la tête de la CENI de « pièce maitresse » dans la fraude lors des dernières élections en RDC dont la présidentielle ayant conduit Tshisekedi au pouvoir.
L’autre épine sous le pied du président de la RDC, c’est l’alliance qu’il a pactisée avec son prédécesseur Joseph Kabila. Ce dernier est soupçonné par Limeté, le quartier général de la base politique de Tshisekedi, d’être le vrai principal artificier du pouvoir en RDC, ne permettant pas au nouveau président de déployer son programme d’action. Récemment, les caciques de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), le parti de Tshisekedi ont menacé de rompre cette alliance, mais la tempérance est cette fois venue de Kingakati, le quartier général de la base politique de Joseph Kabila, appelant les acteurs de deux côtés à sauver l’alliance.
La situation du général Mokoko pourrait être évoquée par les deux hommes
C’est un menu suffisant pour que le président Sassou N’Guesso et son hôte passent la soirée à en discuter à Brazzaville. Il faut pour Félix Tshisekedi de nouveaux moyens politiques pour tenir en laisse ses adversaires dont Jean Pierre Bemba qui a fait son apparition le week-end dernier dans les rues de Kinshasa, marchant côte-à-côte avec ses partisans contre les réformes intervenues à la CENI, mais aussi ses propres partenaires du Front pour le changement pour le Congo (FCC) de Joseph Kabila.
Mais d’autres sujets pourraient bien s’inviter à la table. En début de la semaine dernière, plusieurs informations ont fuité dans les milieux diplomatiques de Brazzaville faisant étant de coups de fil téléphonique passés entre les deux présidents des deux Congo au sujet du général Jean Marie Michel Mokoko, opposant de 73 ans condamné en 2018 à 20 ans de prison ferme pour « atteinte à la sureté intérieure de l’Etat », et dont l’étant de santé s’est brutalement dégringolé ces dernières semaines. Ces informations n’ont pas été démenties par les deux pays. Le général Mokoko a été testé positif à la Covid-19, selon sa famille et ses partisans, mais les autorités congolaises n’ont jamais fait de déclaration à ce sujet.
Par ailleurs, les mêmes sources diplomatiques affirmaient dans la même période que Félix Tshisekedi et le président angolais Joao Lourenço, avaient évoqué le même sujet, priant leur homologue de Brazzaville d’accéder à la demande d’évacuation sanitaire exprimée par le général Mokoko via sa famille, ses avocats et la société civile.
Quelques jours avant ces fameux appels téléphoniques, les avocats du général Mokoko basés à Paris en France avaient annoncé un contre-test effectué par des médecins angolais et dont les résultats s’étaient révélés négatifs et le général ne souffrirait que d’un paludisme sévère et aigu. Cette dernière information a au moins été démentie par l’ambassadeur d’Angola à Brazzaville, Vicente Muanda.
Félix Tshesekedi viendrait-il à Brazzaville pour le cas Mokoko ? Rien n’est impossible en politique ! Actuellement, la RDC est en train de devenir une sorte de plaque tournante en Afrique centrale par laquelle transiteraient plusieurs sollicitations des puissances étrangères, notamment les Etats-Unis et l’Union européenne dont les « missions humanitaires » se succèdent jour et nuit à Kinshasa.
La visite de Félix va aussi coïncider ce jeudi à la marche pacifique de la société civile, partant des bureaux de l’OCDH (Observatoire congolais des droits de l’Homme) à Jane Viale, Ouenze, au siège du ministère de la Justice, à quelques pas de la présidence de la République où Denis Sassou N’Guesso serait certainement, à ces heures-là, en discussion avec son homologue de la RDC.
La marche des activistes de la société civile n’a pas encore été autorisée par la préfecture de Brazzaville où la demande d’autorisation a été adressée le 13 juillet, et c’est surprenant qu’il le soit en cette période d’état d’urgence et pendant qu’un hôte de marque est dans les murs de la capitale.