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Tshisekedi, le téméraire de la démocratie en RDC

Etienne Tshisekedi wa Mulumba aura combattu toute sa vie à instaurer la démocratie pluraliste dans son pays, la République démocratie du Congo. Malgré son âge avancé, 84 ans, et les épreuves de maladie, l’homme est resté égal à lui-même, dernier d’une génération qui a tant souhaité l’avènement des idéaux nouveaux en RDC. La mort a eu raison de lui.

De nombreuses réactions font état d’un homme moralement irréprochable, un acteur politique qui aura marqué sa lutte d’une empreinte indélébile. La jeunesse aura du mal à se trouver un nouveau sphinx, celui de Limeté ayant été emporté par une pneumonie.

Au début de sa carrière, ce jeune Luba, né en décembre 1932 à Kananga au Kasaï occidental, est un fidèle compagnon de route du dictateur Mobutu, avant de lui tourner le dos et de devenir par la suite son farouche opposant. Juste après les indépendances de 1960, Etienne Tshesekedi est le premier diplômé en droit du Congo.  D’abord membre du gouvernement provisoire mis en place après le coup d’état de 1960, Tshisekedi se hisse en 1965 au rang de ministre de l’Intérieur, après le second coup d’État.

Il gravit les échelons jusqu’à devenir le secrétaire général du Mouvement populaire de la révolution (MPR) comme parti unique, lequel il a énormément contribué  la rédaction de l’acte manifeste.  

En 1980, Tshisekedi signe ainsi une lettre ouverte avec un groupe de parlementaires condamnant les abus du régime du Maréchal-Président. La rupture est consommée : deux ans plus tard, « Tshi Tshi » fonde l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) en 1982. Il installe son quartier à Limeté, une commune de Kinshasa, essuyant régulièrement les affres du pouvoir de Mobutu. La résistance va durer une décennie.

À l’occasion de la conférence nationale souveraine de 1990-1992 qui instaure finalement le multipartisme, Mobutu consent à nommer Tshisekedi Premier ministre, d’abord pour quelques jours en 1991, puis le 15 août 1992. Au sommet de sa popularité, le chef de l’opposition montre qu’il n’hésite pas à tenir tête au chef de l’État lors de sa prestation de serment, ce qui lui vaudra d’être limogé en février 1993.

Mais l’homme reste téméraire et ne jure que par la démocratie. Même scénario en 1997 : nommé une nouvelle fois Premier ministre alors que les troupes de Laurent-Désiré Kabila envahissent l’Est de la RD Congo, Tshisekedi a pour mission de rétablir la paix dans le pays. Lorsque Laurent Désiré Kabila arrive enfin à Kinshasa, le vieil opposant appelle au rétablissement de la démocratie en passant par les acquis de la conférence nationale. Une prise de position qui ne satisfait pas le nouvel occupant du palais de la nation.

Etienne Tshisekedi est arrêté un mois plus tard, puis  interdit  d’exercer son activité politique en 1998. Il est renvoyé dans son village natal de Kananga, avec recommandation expresse du président Kabila de pratiquer l’agriculture. Des témoins affirment même qu’un kit agricole lui aurait été spécialement attribué à Kananga.

En 2003, deux ans après  l’assassinat de Laurent Désiré Kabila, Tshisekedi reste inflexible face au fils de l’ancien président, Joseph Kabila, qui a pris  les commandes du pays, au lendemain de la mort de son père. En 2006, il  appelle, en vain, au boycott de la première élection présidentielle multipartite du pays fraîchement doté d’une nouvelle Constitution.

En 2010, Tshisekedi reprend du poil de la bête. Après un exil médical de trois ans, il décide d’entrer dans la course du scrutin présidentiel de 2011 contre Joseph Kabila. Parfois menaçant et appelant au strict respect de la démocratie, Tshisekedi suscite beaucoup d’espoir pendant cette élection. Arrivé deuxième, il conteste le scrutin qu’il juge « truffé d’irrégularités » et s’auto-proclamé président de la République démocratique du Congo. Il prête même servent dans sa salle à manger, jurant de faire triompher la démocratie.

À la tête du Rassemblement, principal regroupement de l’opposition congolaise, Étienne Tshisekedi avait été désigné pour diriger le Conseil national de suivi de l’accord politique (CNSA) conclu le 31 décembre 2016 entre les différentes plateformes de l’opposition et la Majorité présidentielle (MP).

Malade et affaibli, il n’avait pas pu attendre son installation effective à ce poste, programmée le 26 février prochain, Étienne Tshisekedi n’aura finalement pas eu le temps de relever l’ultime défi de sa carrière  politique. Et même d’instaurer la démocratie à laquelle il a tant rêvé.