Close

L’élection de Pierre Moussa n’élide pas les grands défis du PCT

Le cinquième congrès ordinaire du Parti congolais du travail (PCT, au pouvoir) s’est achevé, tard dans la nuit de dimanche par la désignation de Pierre Moussa, 78 ans, comme secrétaire général, en remplacement de Pierre Ngolo. Les tractations qui ont conduit à l’élection de ce cacique du parti présidentiel montrent combien le PCT fait face à de gros défis, tant en interne que dans la gestion du pays.

Elu par le Comité central du PCT qui compte désormais 727 membres, Pierre Moussa a aussitôt dévoilé ses priorités, notamment la présidentielle de 2021 où le président Denis Sassou N’Guesso, 76 ans, a été unanimement désigné comme candidat officiel du parti. C’est le premier défi du tout nouveau secrétaire général de l’ex-parti marxiste-léniniste, réélire l’actuel chef de l’Etat, qui sera alors à son deuxième mandat. L’article 65 de la constitution lui donne la possibilité de renouveler jusqu’à deux fois son mandat présidentiel de cinq ans, donc de rester au pouvoir jusqu’en 2031.

D’après le rapport fait par l’ancien secrétaire général du parti, Pierre Ngolo, en présence de quelque 2800 congressistes venus à Kintele, le PCT a réussi à se mobiliser dans toutes les circonscriptions électorales pour permettre à tous ses candidats investis en commission d’être élus. Le PCT dispose ainsi d’une large majorité au niveau des deux chambres du parlement, en plus de l’élection du président de la République avec 60,39% des voix. Des résultats fortement contestés par l’opposition. Pierre Moussa veut placer le PCT dans la même ligne en préparant un raz-de-marée aux prochaines élections.

Mais cette dernière élection a laissé les clivages dans le pays et les opposants appellent à un dialogue inclusif pour évacuer définitivement ce contentieux politique. Des consultations lancées auprès des différents acteurs politiques et de la société civile par Martin Mberi, secrétaire permanent du Conseil national de dialogue devraient aboutir après juin 2020 à l’organisation d’un dialogue national. Pierre Moussa devrait très vite s’imprégner de la situation pour s’approprier les doléances évoquées par l’ancienne direction du parti sur les conditions de participation du PCT à cette rencontre.

Premier parti de la majorité présidentielle, le PCT appuie et soutient l’action du gouvernement piloté depuis avril 2016 par Clément Mouamba, lui aussi membre du PCT. Pour faire face à la crise économique et financière qui frappe le pays, le gouvernement a conclu en juillet 2019 un accord de facilité élargie en vue d’une aide financière de l’ordre de 262 milliards de francs CFA. Une deuxième tranche de ce financement devrait être versée en cette fin décembre. Mais à cause de certaines contre-performances, le paiement a été renvoyé à mars 2020. Cette situation de crise et d’incertitude impacte le social des populations dont le pouvoir d’achat a drastiquement dégringolé.

En août dernier, les députés de la majorité, et ceux du PCT en tête, s’étaient attaqués au gouvernement, l’accusant de trop faire de promesses, mais ne réalisant que très peu d’actions sur le terrain. Des jeunes députés étaient spectaculairement sortis de leur rôle historique de protéger le gouvernement en s’érigeant en défenseurs d’intérêt général. Bien qu’il ne soit pas député ou sénateur, Pierre Moussa, natif d’Owando dans la Cuvette, devrait tout faire pour garder cette ligne d’attaque pour pousser le gouvernement à plus de résultats et favoriser la libre expression au sein du parti.

En avril 2019, plusieurs députés du PCT réunis sous la direction de Pierre Ngolo avaient adressé 42 recommandations au gouvernement afin qu’il puisse changer son action peu profitable aux populations. Parmi ces recommandations, la lutte contre la corruption figurait en pôle position. Jusque-là, aucune mesure claire sur cette question. Pierre Moussa devrait en faire un autre cheval de Troie. A l’appel de la jeunesse pendant le cinquième congrès, le nouveau secrétaire général devrait véritablement lancer la lutte contre la corruption et autres anti-valeurs au sein du parti. Pour les jeunes, « le PCT ne doit plus servir de refuge » aux corrompus de tout acabit. Son passage à la tête de la Commission de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (CEMAC) et sa solide expérience de ministre du Plan de grande longévité devraient aider à résorber certaines difficultés économiques que traverse le Congo.

En interne, Pierre Moussa doit faire face à plusieurs défis dont la modernisation des instances du parti. Etant lui-même de la vieille garde et identifié comme cacique du PCT, le nouveau secrétaire général doit gérer avec lucidité le débat ouvert par les jeunes du parti sur le positionnement des cadres et le cumul des postes. Très peu de jeunes sont encore représentés dans les instances du PCT, mais aussi dans l’administration publique. Heureusement, le congrès qui s’est achevé a commencé à régler le problème en désignant de très jeunes dirigeants du parti, Juste Bernadin Gavet et Exaucé Ibam Ngambili, comme membres du très mythique bureau politique.

Comme Pierre Moussa, plusieurs autres cadres du PCT avaient été identifiés par les militants pour succéder à Pierre Ngolo. Cette simple idée a constitué jusqu’à la fin du congrès une bulle d’espoir pour ces nombreux congressistes de voir l’un ou l’autre de leurs leaders prendre la direction du parti fondé le 31 décembre 1969 et qui fête ses 50 ans cette d’année. Mais, ni Denis Christel Sassou Nguesso, ni Gilbert Ondongo ou Henri Djombo et Rodolphe Adada n’ont été désignés. Ils n’ont même pas intégré le Secrétariat Permanent qui est la direction du PCT.

Bien sûr ces personnalités elles-mêmes n’ont jamais dit qu’elles étaient candidates à ce poste de secrétaire général. Mais, certaines d’entre elles ont aujourd’hui raison de croire qu’elles sont portées par une certaine opinion représentative. Pierre Moussa devrait donc faire face à « frustrations » pour éviter qu’elles ne se transforment en crise interne.

Dans la redistribution des cartes et du gâteau, le PCT devrait tout faire, et Pierre Moussa en premier, pour dépolitiser l’administration publique qui est généralement colorée par le parti présidentiel. La présence des ministres, des ambassadeurs, des directeurs généraux, des préfets, des sous-préfets, des présidents des conseils locaux voire des chefs d’établissements scolaires, a prouvé à suffisance que nombreux doivent leur poste par la simple appartenance au parti.