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L’État devrait cesser de percevoir la taxe sur le tabac

Le gouvernement congolais continue à percevoir de gros sous sur la commercialisation du tabac, produit pourtant considéré comme nocif et important agent de mortalité dans le monde et au Congo, notamment en milieu jeune où près de 30% d’individus fument. L’Etat doit donc prêcher la fermeté face aux industries du tabac, et non se complaire à percevoir des taxes sur le trafic de la cigarette.

La vente de la cigarette au Congo rapporte d’importants dividendes à l’Etat congolais. À la place de la Paix au rond-point Moungali, le chauffeur de taxi Rufin, 44 ans et fumeur depuis l’âge de 17 ans, s’emporte contre un détenteur d’échoppe de cigarettes qui lui propose un bâton de cigarette à 75 francs CFA. « Tu es malade ! C’est sur mon dos que tu veux faire fortune », assène-t-il au pauvre petit commerçant.

En fait, le cas de Rufin est arrivé à plusieurs fumeurs, dépités et exaspérés. Ils croient en une vraie escroquerie en achetant un bâton de cigarette à 75 francs CFA. Et pourtant, suite au relèvement des taxes imposé par l’Etat sur la cigarette, ce produit coûte cher sur le marché local. C’est révolu l’époque où trois bâtons de cigarette étaient vendus à 100 francs CFA. Les commerçants ne vendent plus le paquet de cigarettes à 500 francs CFA. Des mesures prises par le gouvernement pour dissuader ceux qui fument. Mais c’est peine perdue, les consommateurs renforcent chaque année les rangs des fumeurs.

Sur cette liste des consommateurs de nicotine, de goudron et autres agents nocifs à la santé, se greffent quelque 17% des filles de 13 à 15 ans, pour la plupart, des élèves. Jusqu’à 30% des élèves du lycée et collège confondus fument.

Le message c’est que le tabac tue. La perception par l’Etat d’un impôt sur un tel produit reste interrogateur, vu que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) alerte que un milliard de personnes vont mourir d’ici 2030 à cause de la cigarette et d’autres produits contenant de la nicotine. La lutte contre l’industrie du tabac devrait plutôt être la saine politique du gouvernement, et non d’encaisser des sous sur la tête de ceux qui aspirent des bouffées et dont on sait compromettre leur santé demain.

Créée en 1949, la Société industrielle agricole du tabac (SIAT) basée au quartier industriel de Mpila à Brazzaville, est l’unique productrice du tabac industrielle au Congo. Dès ses débuts, la SIAT disposait déjà d’un chiffre d’affaires annuel de 1,7 milliard de francs CFA, pour un investissement de 700 millions de francs CFA. Un pactole luisant pour les pouvoirs publics lorsqu’il s’agit de calculer les impôts sur le chiffre d’affaires. Cette industrie du tabac peut engranger aujourd’hui plus de 12 millions de recettes dans la vente mensuelle de la cigarette.

C’est pourquoi, malgré les mesures prises pour décourager ceux qui fument, l’aboutissement est incertain. En 2016, le gouvernement s’attendait à 17,3 milliards de francs CFA de taxes sur les sociétés installées au Congo. Celles-ci se sont d’ailleurs plaintes de ce que l’Etat en voulait un peu trop. Elles avaient demandé à l’époque un relâchement.

De son côté, la SIAT s’était plainte d’une concurrence illégale à laquelle étaient soumis ses produits. Une gêne qui lui faisait perdre, avec certaines sociétés comme RAGEC, une somme de 300 millions de francs CFA. Il s’agit en fait des produits de la contrebande, dont d’importantes cargaisons de cigarettes qui rentrent au Congo par plusieurs voies.

Les journalistes du continent regroupés au sein du Réseau des journalistes observateurs de l’industrie de la nicotine et du tabac (REJOINT) interpellent également les autorités à agir avec virulence face aux industries du tabac. Dans une déclaration faite le 31 mai, dite journée sans tabac, ces journalistes ont insisté sur « la nécessité d’une information et d’une communication constantes sur les dangers liés à l’usage du Tabac » dans leurs sociétés respectives. Les améliorations proposées par les industrielles du tabac ne visent autre chose que leur survivance, et non le bien-être de ceux qui fument, les cadavres de demain.

Le Congo a adopté en 2009 une loi anti-tabac qui interdit toute publicité sur la cigarette et tout sponsoring de grands événements sportifs et culturels par des firmes du tabac. Même fumer en public est interdit par la loi qui parle des espaces fumeurs dans la ville. Le Congo avait déjà adopté la Convention de l’OMS qui allait dans le même sens. Mais cette législation est très mal connue dans le pays. Trop de fumeurs passifs sont victimes de la cigarette.