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Tant qu’il n’y a pas de tests de masse, on en saura rien de Covid-19 !

Les attentes de la population et des observateurs sur la situation réelle de la propagation de la pandémie de Covid-19 au Congo sont toujours grandes et inépuisables. Les tests de masse sont l’un des moyens efficaces pour en évaluer l’évolution.

Tester, isoler les cas positifs pour ensuite les soigner. C’est un schéma scientifique éprouvé et qui peut donner d’intéressants résultats dans la lutte contre la Covid-19. Mais les choses ne semblent pas se mettre au pas au Congo.

Lors de l’annonce de son plan de déconfinement progressif, en mai dernier, le Premier ministre Clément Mouamba fixait un objectif d’environ 5. 000 tests chaque semaine. Un bon échantillonnage pour se faire une idée de la situation réelle du coronavirus dans le pays. C’est à dire, le Laboratoire national et de santé publique (LNSP) devrait se mettra au pas, et les quelques structures sanitaires privées connectées aux statistiques nationales sur cette pandémie, également.

Un mois après cette annonce, à peine 300 à 550 tests se réalisent, et cela principalement dans les deux principales villes du pays, Brazzaville et Pointe-Noire.

Sur la base de cet échantillon, la capitale se révèle être l’épicentre de la maladie. Talangai, le sixième arrondissement, compte le plus de cas. Si les tests de masse étaient réalisés, un tel arrondissement serait déjà en total confinement. À ce jour, le Congo attend anxieusement, mais inexorablement son 1000e cas positif.

Mais cela ne reflète pas la réalité nationale, et donc on n’en sait encore rien du niveau de la propagation de cette pandémie au Congo. Sans compter que beaucoup d’amalgame se fait lors de la suspicion des cas, à telle enseigne que même une femme enceinte, Chloe Bafouidinsoni, frappée de douleurs d’accouchement, a été considérée comme cas de coronavirus par le corps médical qui s’est ensuite ravisé, après le décès de la dame.

Se donner les moyens

De nombreuses ressources financières ont été reorientees dans la lutte contre la Covid-19. Quelque 150 milliards de francs CFA devraient être disponibles, selon une annonce du chef de l’Etat, pour alimenter un fonds contre cette pandémie. Apparemment, le gouvernement ne se donne pas suffisamment des moyens pour réaliser des tests massifs sur l’ensemble du pays. La plupart de matériel y rélatif est acquis en terme de dons : les Chinois font le paquet en tests, en réactifs, et autres matériels de protection. Les commandes du gouvernement annoncées tambours battants arrivent à compte-gouttes et toujours tambours battants aussi, parce qu’il s’agit souvent de masques, de gants, de combinaisons et moins de tests et de réactifs attendus urgemment au LNSP.

Mais c’est grâce au président de la Fondation Perspectives d’avenir, le député d’Oyo Denis Christel Sassou Nguesso que le laboratoire national a pu obtenir un appareil pour des tests PCR dont les résultats sont connus en très peu de temps.

Que coûte-t-il au gouvernement d’organiser des tests de masse dans chaque coin d’arrondissement à Brazzaville et à Pointe-Noire ? Pas grand chose, car le Centre national de transfusion sanguine (CNTS) arrive facilement à organiser ses opérations de collecte de dons de sang dans chaque rue. Et en matière de détection des cas de VIH, une autre expérience est à copier, car on a vu des Congolais se diriger librement vers des véhicules CNLS au rond-point CCF, au Centre sportif de Makélékélé et à bien d’autres carrefours de la capitale pour se faire dépister. Donc c’est possible pour la covid-19.

Les dons en argent faits par les forces vives de la nation et les communautés étrangères devraient prioritairement servir à acquérir ce matériel et ses consommables, pas à donner du riz et des cuisses de poulet aux démunis. Mais, on constate plutôt, selon de nombreux témoignages recueillis par Vox, un enrôlement des cas positifs sur des patients qui fréquentent les hôpitaux pour des cas de paludisme, de thyroïde, d’hépatite, de grippe, de diabète, de tension, de cancer, des pathologies qui n’ont pas disparu du pays et qui continuent de tuer au quotidien.

Dépister les enseignants et les policiers

En réalité, les premiers tests de masse devraient coïncider avec la reprise des cours pour les élèves de fin de cycle. Il fallait dépister tous les enseignants qui prestent actuellement. Le cache-nez ou le lavage des mains n’est pas la seule piste à privilégier. Ensuite les élèves aussi, ne serait-ce que ceux des classes de terminale devraient subir ce test. On saurait alors quel est le niveau de la pandémie en milieu scolaire. Les épidémiologistes sauraient à leur tour faire des extrapolations et des surestimations pour savoir quelle est la position actuelle du Congo face à la Covid-19. Une telle étude devrait alerter les parents des cas positifs.

Mais rien n’a été fait, même doter tous les élèves de masques, le gouvernement n’a pas pu, là aussi malgré le tambourinage ! Chaque parent d’élève a été obligé d’acheter un masque pour son enfant, notamment sur le site de Nganga Édouard à Brazzaville, où cohabitent collégiens et lycéens.

Renforcer les données épidémiologiques

Les tests massifs devraient se poursuivre dans les forces armées et à la police, dans les entreprises où les employés sont quotidiennement exposés comme les banques, les stations services, les impôts, les médias, les commerces, les douanes, les transports en commun ; dans les administrations publiques, les prisons et les marchés. Or aujourd’hui, entre 300 et 400 tests seraient réalisés chaque semaine et les résultats publiés dans les médias sont loin de refléter la réalité.

Face à l’absence de tests de masse, la population développe la lassitude d’une situation intenable et la non prise en compte de la maladie. Les jeunes sont au front de la désinformation et du mépris de la maladie. Rien ne les convainc, mais aussi rien ne leur fait peur. Parmi les 883 personnes testées positives (au moment de la rédaction de l’article), presque personne n’est connue dans les quartiers populaires, ce qui renforce le doute auprès des habitants qui vivent comme un diktat les mesures barrières, pourtant édictées pour l’intérêt de tous.

Il y a une semaine, un responsable du comité de riposte annonçait avec sûreté sur un grand média international que Brazzaville avait atteint son pic. Ce qui n’est pas vrai au vu de la tendance croissante des chiffres qui sont publiés, et surtout de la manière dont ils sont obtenus. Leur échantillonnage n’est pas assez représentatif. Malgré les restrictions sur certains déplacements, les habitants de Brazzaville et de Pointe-Noire continuent de se balader d’un département à l’autre, ceci souvent sans respect de mesures barrières. Le virus n’a aucune capacité de se déplacer, c’est l’homme qui est son agent vecteur, sait-on depuis le début.

D’ici la fin de l’année, le gouvernement devrait avoir réalisé au moins 360.000 tests de Covid-19. Mais à ce rythme, il ne faut pas rêver, l’objectif est encore trop loin. Et pourtant, c’est à ce prix qu’on jugera de la propagation de la maladie. Sinon, l’analyse du directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), parlant d’une « pandémie silencieuse » s’appliquera bien au Congo.