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L’université Marien Ngouabi dans la tourmente

Les agents de l’université Marien Ngouabi sont rentrés le 1er septembre dans une grève générale illimitée pour revendiquer principalement le paiement de deux mois de salaires et autres allocations financières nécessaires au bon fonctionnement de cet établissement public d’enseignement supérieur. Les étudiants de leur côté broient du noir, surclassant des années académiques sans passer des examens.

Fin juillet, les syndicats de l’université Marien Ngouabi avaient prévenu les autorités congolaises qu’ils débraieraient si leurs revendications n’étaient pas prises en compte. Il s’agit principalement du paiement intégral des salaires de juin, juillet et août 2017.

Le climat est morose dans les 11 établissements de l’université Marien Ngouabi, la seule université publique du pays. Les enseignants en grève réclament le paiement régulier de leurs salaires. Etablissement public jouissant d’une autonomie de gestion, Marien Ngouabi fonctionne grâce à un budget de transfert. Ce qui fait que le personnel de cette entité n’est pas payé au même moment que les autres fonctionnaires de l’Etat. En temps normal, leurs salaires étaient déjà versés beaucoup de jours après ceux de la Fonction publique. Aujourd’hui, ils doivent attendre des semaines voire des mois. Ainsi se sont accumulés les arriérés des salaires.

Depuis des années, les travailleurs de l’université Marien Ngouabi se battent pour obtenir l’automatisation et la synchronisation de leur paiement avec ceux des autres fonctionnaires. Mais sans succès, malgré les menaces et départs en cascade en grève. Les mois de juin, juillet et d’août ne sont toujours pas versés. Et septembre a déjà débuté.

Dans leur déclaration, le personnel enseignant et  non-enseignant de l’université Marien Ngouabi est également revenu sur le paiement des allocations nécessaires pour le fonctionnement de l’établissement. C’est avec cet argent en effet que les vacataires et autres prestataires sont payés, les travaux pratiques sont réalisés, ainsi que les frais de stage payés aux étudiants.

Dans la foulée, les établissements de l’université sont fermés. Les étudiants s’imposent de nouvelles vacances, malgré le retard dans la clôture de l’année en cours. Ces étudiants réclament eux aussi neuf mois de bourses impayés. Leurs manifestations sont généralement dispersées par la police qui interdit tout rassemblement à l’université Marien Ngouabi. Malgré les difficultés financières, le ministère de l’Enseignement supérieur a attribué, cette année, la bourse à 9.852 nouveaux étudiants, dont 2.792 de l’étranger

A peine devenus bacheliers, les tout nouveaux étudiants peinent à rassembler leurs dossiers pour préparer leur arrivée à l’université. Tous les bureaux, notamment la scolarité centrale, sont fermés. Ils espèrent une issue heureuse des négociations entre les syndicats et le gouvernement.

En dehors de ces problèmes d’argent, l’université Marien Ngouabi est un trou noir, estiment plusieurs analystes. Créée en 1971, cette université  enregistre chaque année quelque 30.000 étudiants. Récemment, 52 enseignants ont été approuvés par le système CAMES, allongeant ainsi la liste de 800 enseignants qui évoluent dans cet établissement. La pléthore des étudiants demeure l’un des vieux problèmes de Marien Ngouabi. Ces derniers prennent des cours débout à longueur de journée. Très peu d’évaluations sont organisées à l’endroit des étudiants, car les enseignants redoutent les flopées de copies à corriger. D’autres n’enseignent que deux à trois séances en une année, s’ils ne passent pas expliquer des polycopiés qu’ils vendent à l’avance aux étudiants. La qualité des enseignements est compromise par le peu de volonté des prof d’enseigner.

Des efforts ont certes été faits dans la construction de nouvelles infrastructures comme les amphithéâtres, afin d’abriter le plus d’étudiants. Une nouvelle université, Denis Sassou N’Guesso, est même en cours de construction dans la commune de Kintele, au nord de Brazzaville.

Le budget 2017 de l’université Marien Ngouabi est de plus de 43,8 milliards de francs CFA. Les difficultés sont cependant multiples pour mobiliser cet argent. Ce budget sera en baisse pour l’année 2017-2018, car il est estimé à 39,5 milliards. L’université a grandement besoin de cet argent pour assurer son bon fonctionnement.

Aujourd’hui, l’université Marien Ngouabi est dans la tourmente. Mais le gouvernement invite les agents de l’université à comprendre la dure situation de crise économique que traverse le pays. Le Congo ploie en effet sous une lourde dette qui a dépassé les 120% de son Produit intérieur brut (PIB). En plus, le gouvernement a maille à mobiliser le budget de plus de 2.744 milliards de francs CFA adopté en début d’année. Il se tourne vers le Fonds monétaire international (FMI) pour un éventuel appui budgétaire ou carrément une restructuration.

Le gouvernement a ouvert les discussions avec les syndicats de l’université. Des sources proches du dossier restent optimistes sur la conclusion imminente d’un accord. Si les autorités ne sont pas prêtes à verser d’un coup les trois mois de salaires réclamés, elles pourraient en verser un et faire une promesse ferme de paiement, dans le but de garantir la fin d’une année académique tant attendue par les étudiants.